Lettre d’information n°2 – mai 2025

Voici quelques nouvelles récentes des prisonniers politiques kanak en France. Nous en profitons pour vous donner des nouvelles de la campagne financière de soutien et de son utilisation.

Point sur l’utilisation de la cagnotte et des dons reçus pour les prisonniers

Commençons par un petit point sur les finances de l’AISDPK et des dons récoltés pour le soutien aux prisonniers politiques incarcérés ou en liberté provisoire en France. Au 21 mai 2025, nous disposons sur nos comptes au total de 3 843 €.
Si l’on regarde l’évolution des dons sur la cagnotte caisse de solidarité helloasso pour les prisonniers et les frais de défense pour le soutien aux prisonniers, nous avons enregistré 2 568 € en janvier, 220 € en février, 610 € en mars et 830 € en avril. Au total, sur la cagnotte helloasso, nous avons reçu depuis son ouverture 12 043,60 € avec 143 contributeurs. À venir sur le compte fin mai 630 € à ce jour en une semaine de collecte sur helloasso.
Plusieurs comités locaux du Mouvement des Kanak en France (MKF) nous versent des dons récoltés localement lors de leurs initiatives : dernièrement Grenoble 200,50 € + 800 € ; Tour 300 € ; Gap 375 €…
Nous recevons également des virements directs sur notre compte bancaire (7 435 € au total).
Nous continuons les versements mensuels aux sept prisonniers politiques en France, à hauteur de 100 à 150 € par mois. Au 6 juin, chacun aura donc reçu de l’AISDPK 1 050 € (soit un total de 7 350 €). Nous donnons aussi des aides ponctuelles selon les demandes reçues : participation aux frais d’avocat pour la cassation de Steve Une (Me Bouthors 500 €), aide au logement pour Frédérique (200 €) et Brenda (200 €) ; frais de consignation pour la cassation de Christian Tein (200 €) ; participation aux frais de déplacements des avocats selon les demandes reçues : Me Roux (7 488 €) ; Me Mabille (673,85 €). Depuis juin dernier, nous avons donc contribué pour les prisonniers et leur défense pour un montant total de 16 611,85 € sur un total de 20 899 € récoltés.
Les prisonnier·es kanak exilés dans les prisons françaises ou assignées à résidence ont toujours besoin d’aide matérielle pour la vie en prison ou en dehors et pour leur défense. Il faut donc continuer nos efforts. Le chemin risque d’être encore long et les dons sont de plus en plus nécessaires.

Lien vers la caisse de soutien : Caisse Helloasso

Par ailleurs, signez et faites signer la pétition que nous avons lancée :
« NON à la justice coloniale et à la répression en Kanaky/Nouvelle-Calédonie » ici. Si, en janvier, nous avions 5 567 signatures, nous n’en avons aujourd’hui que 5 683. Il faudrait atteindre les 10 000 rapidement.

Lien vers la pétition en ligne : Signer et faites signer

Nous avons aujourd’hui 5 567 signatures. Pourrait-on atteindre les 10 000 ?

Nouvelles des prisonniers et des contrôles judiciaires

En ce moment se tiennent les auditions à Paris suite au dépaysement du dossier accordé. Les actes judiciaires se poursuivent donc à Paris.

L’affaire est donc maintenant instruite et jugée à Paris. Les juges ont pris connaissance du dossier qui comporte plus de 7 000 pages.
Les dates des interrogatoires ont été les suivantes :
Frédérique le 13/05, Yewa le 19/05, Guillaume le 20/05, Brenda le 22/05, Bichou le 27/05, Dimitri le 28/05, Steeve le 3/06. Espérons que cela se conclura par la remise en liberté des sept encore emprisonnés et par le retour au pays de tou·tes, aux frais de la France. Plusieurs d’entre nous se rendent devant le tribunal régulièrement pour soutenir les prisonnier·es.

Les dépôts de demandes de mise en liberté se poursuivent donc.
La saisine des organes nationaux et internationaux des comité des droits de l’Homme sont toujours en cours
À l’heure actuelle, outre les 14 morts, 5 000 procédures ont eu lieu avec plus de 2 500 gardes à vue dont 10 % de mineurs. 650 personnes ont été convoquées par la justice, 502 déférées (dont 27 mineurs) et présentées devant la justice pour répondre d’une infraction. 243 mandats de dépôt ont été pris, ce qui signifie le placement en détention provisoire en attendant le jugement sur des faits liés aux émeutes, concernant des présumées atteintes aux forces de l’ordre (31 %), aux biens (58 %) et aux personnes hors forces de l’ordre (10 %). 306 personnes ont été jugées en comparution immédiate, 125 en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 523 mesures alternatives ont été prononcées. 32 informations judiciaires sont en cours, 50 personnes mises en examen. 40 affaires ont été classées en raison d’une irrégularité de procédure au moment de la constatation de l’infraction (19,5 %) ; 50 audiences supplémentaires ont été instaurées (source dnc.nc). Il est toujours temps de signer la pétition pour la pétition NON à la justice coloniale et à la répression en Kanaky/Nouvelle-Calédonie

Nouvelles récentes

1/ L’ONU, via son comité des Droits de l’Homme, a fait part de ses « préoccupations » quant à la situation des prisonniers et au déploiement policier en Nouvelle-Calédonie, ce qui interpellent la puissance coloniale. C’est donc un succès au plan international et vis-à-vis de l’évolution du dossier également. Valls ne peut pas faire sans prendre en compte ces préoccupations.
La question de la Nouvelle-Calédonie est à l’ordre du jour du comité des 24 qui s’est tenu du 21 au 23 mai à Timor Leste. Délégations indépendantistes et « loyalistes » ont fait le déplacement à Timor, les uns pour convaincre de la nécessité de l’indépendance, les autres pour lutter contre, avant la tenue en juin de la 4e commission de l’ONU.

2/ Conclave de Deva et propositions pour un accord

Après quatre jours de discussion (5-8 mai 2025), les délégations se sont séparées sans accord.
Les non-indépendantistes en portent la responsabilité, avec le soutien de la droite métropolitaine à qui ils ont fait appel, ne voulant pas entendre parler d’indépendance ou de souveraineté partagée. Ils n’ont donc fait aucun pas vers les indépendantistes, en maintenant coûte que coûte leur projet de fédération pour la province Sud et la nécessité de revenir à la révision du corps électoral portée par Meztdorf l’an dernier qui avait mis le feu à la Nouvelle-Calédonie le 13 mai 2024.
Les loyalistes, par la voix de Virginie Ruffenach (présidente du groupe Rassemblement au Congrès de la Nouvelle-Calédonie), estiment que le ministre Valls n’a plus de légitimité à mener des discussions. Ils ont compris qu’il n’entend pas lâcher face à eux.
Vendredi 16 mai au matin, sur France Inter, Manuel Valls affirme : « Nous n’avons pas d’autre choix, [il faut poursuivre] le dialogue politique pour permettre les conditions du redressement économique et puis surtout le retour à la paix civile. » Il répète que « sans la fin du processus de décolonisation […] et sans l’exercice du droit à l’autodétermination sous des formes qu’il faut examiner, nous ne réglerons pas l’histoire de cette colonie de peuplement ».
Avant de quitter le territoire et après le conclave de Deva resté sans décision pour le pays, Valls a annoncé qu’un comité de suivi devrait permettre de poursuivre le dialogue.

De retour en France, Manuel Valls a écrit aux responsables politiques de Nouvelle-Calédonie qui composaient les délégations à Deva le 17 mai. Il leur propose de se réunir pour se donner une nouvelle chance d’arriver à un accord avant la fin juin afin d’éviter des élections provinciales à haut risque dans ce contexte économique et social explosif. Sans accord, celles-ci se dérouleront avant le 30 novembre sur le corps électoral actuel. Une réunion doit se tenir avant la fin du mois de juin.
L’UNI, par la voix de Jean-Pierre Djaïwé, a précisé, jeudi 15 mai, que les propositions de Valls n’ont pas mis « les six délégations devant le fait accompli » – comme l’ont martelé les loyalistes – avec son projet de souveraineté avec la France. Il est vrai que c’est un projet porté depuis longtemps par l’UNI qui estime qu’un accord est toujours possible. Faute d’accord, c’est au gouvernement central d’organiser un référendum de projet sur les deux positions antagonistes : souveraineté avec la France ou fédéralisme, qui est l’option prônée par Metzdorf et Backès. L’UNI prévoit ainsi une réunion le 31 mai.

L’UNI compte maintenir la discussion avec les élus partageant la proposition de Manuel Valls – Calédonie ensemble, Éveil océanien, FLNKS nouveau – et entend réunir ses composantes – Palika, UPM, RDO – le 31 mai pour définir une feuille de route.
Pour Valls, ce sont les délégations réunies à Deva qui viendront discuter et travailler sur le projet qu’il a présenté à Déva, c’est-à-dire « la souveraineté avec la France ». Il le détaille : « Ce projet constitue une base pour les discussions et les négociations à venir. Il est évidemment amendable. La négociation pourrait porter sur le délai et les conditions de mise en œuvre. » Dans le détail, ce projet prévoit le transfert des compétences régaliennes à la Nouvelle-Calédonie, assorti d’une délégation immédiate à la France et l’instauration d’une double nationalité française et calédonienne avec l’établissement d’un statut international. C’est un projet qui garantit un lien solide et pérenne entre la France et la Nouvelle-Calédonie, leur relation serait structurellement ancrée dans la Constitution française et ne pouvant en aucun cas être rompue de manière unilatérale.

Ainsi, ce que Valls propose, c’est que, lorsque l’accord sera signé, la validation par vote pour approuver l’accord vaudra référendum d’autodétermination. Le pays sera indépendant et les transferts immédiats. Ce qui se passe après, c’est un accord ou un pacte entre la France et un pays indépendant (la KNC) qui redéléguera à la France les compétences régaliennes assorti d’un mode d’emploi qui établirait comment les deux pays travailleront le partenariat. Il faudra dire aussi combien de temps dure cette coopération, 5 ans,10 ans ? C’est donc plutôt en termes de durée qu’il faut raisonner la période de transition. Si les différentes délégations réussissent à se mettre d’accord sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie avec l’État, alors le pays pourrait travailler sur un projet de constitution qui serait validé par la population. Le pays serait définitivement indépendant quand il votera sa constitution. Le pays aura sa propre constitution et on pourra alors inscrire dans nos constitutions respectives la nature du lien que le nouveau pays aura avec la France.

Pour Emmanuel Tjibaou, président de l’UC et député indépendantiste, un accord est toujours possible avant les élections provinciales de novembre. Il participera donc fin juin aux prochaines discussions annoncées par Manuel Valls où il continuera de défendre la proposition du ministre, même si le projet est relativement éloigné de celui du FLNKS. Mais le projet de Valls porte, selon lui, la vision d’un État souverain. Il justifie sa position ainsi dans Les Nouvelles calédoniennes le 22 mai : « Premièrement, le fait que l’État fasse une proposition en indiquant clairement sa volonté de se projeter vers une décolonisation. D’autre part, les éléments de souveraineté portés par ce projet permettaient, aux yeux du FLNKS, d’avancer sur cette question de trajectoire vers la souveraineté et sur la manière de déterminer celle que l’on veut pour notre pays. Nous le voyons comme une perspective vers un État souverain, tout en préservant les intérêts de ceux qui veulent rester français. Cette proposition était aussi un moyen d’engager une relation entre partenaires politiques, et mettre fin à un rapport d’assujettissement à la France. » Il déclare également à propos de Deva : « Je ne pense pas que ce soit réellement un échec. Nous n’avons pas finalisé d’accord politique, c’est vrai. Mais ce n’est pas fini, l’ensemble des acteurs politiques se sont exprimés pour indiquer qu’ils poursuivront les discussions. Il faut simplement laisser les réflexions mûrir. »

L’Éveil océanien, quant à lui, pense qu’on peut toujours faire un accord en faisant un avenant de 15 ans qui prolonge l’accord de Nouméa. « Le oui et le non, c’est l’arbre qui cache la forêt de tous nos problèmes », a observé́ Milakulo Tukumuli, samedi 17 mai, lors du 3e congrès de l’Éveil océanien. Au terme de ces 15 ans, il propose un référendum de projet « oui – oui » ou sur une question telle que « État associé ou État fédéré ». C’est en retrait des propositions UNI ou FLNKS.
Si les termes d’un futur référendum de projet concordent entre l’UNI et l’EO, c’est sur la période à l’issue de laquelle devrait se tenir un tel scrutin qu’ils ne se retrouvent pas. Est-il raisonnable de vouloir partir pour encore 15 ans ? Les accords de Matignon-Oudinot étaient pour 10 ans ; ils ont été prolongés par l’accord de Nouméa pour une période qui a été de 20 ans (1998-2018) jusqu’au premier référendum et qui de fait dure toujours en 2025. Nous sommes plus de 40 ans après le 18 novembre 1984. Il va falloir combien de générations pour que l’indépendance arrive enfin ? On sait maintenant que, même sur un corps électoral le plus élargi possible, celui des législatives, les indépendantistes ont 10 000 voix d’avance sur les non-indépendantistes et qu’ils ne peuvent qu’en gagner pendant que les loyalistes ne cessent d’en perdre.Dernier baroud d’honneur de Meztdorf, sa rencontre vendredi 23 mai avec Macron pour faire appel à lui contre le projet de Valls en lui demandant de reprendre le dossier directement. Espérons que cela sera sans effets et que Macron et Valls continueront vers un accord sur la souveraineté. À ce propos, Valls déclare clairement sur LCI le 25 mai :
« Celui qui s’occupe, à la demande du chef du gouvernement, du dossier de la Nouvelle-Calédonie, c’est le ministre des Outre-mer. C’est moi. Il n’y en a pas d’autre. […] Il ne peut pas y avoir de solution sans qu’on sorte du processus de décolonisation. »

Conclusion

Il est prouvé maintenant que les indépendantistes sont majoritaires en Nouvelle-Calédonie. On sait également depuis longtemps, et cela a expliqué la révolte du 13 mai 2024 et ses suites, que le rééquilibrage ne s’est pas fait, bien au contraire et les jeunes kanak sont toujours marginalisés dans leur propre pays.
Quiconque veut la paix en Kanaky-Nouvelle-Calédonie ne peut que convenir que la seule solution est la souveraineté du pays. Manuel Valls semble l’avoir compris. Les seuls à ne pas le comprendre sont les Backès, Meztdorf et compagnie qui veulent maintenir leurs privilèges et surtout ne pas remettre en compte l’économie de comptoir qui persiste en Nouvelle-Calédonie.

3/ C’est aussi suite à l’échec du conclave que des tracts racistes ont été distribués dans des immeubles du quartier de Rivière salée à Nouméa vers le 14 mai. Il n’est pas fini le temps des colonies. Le haut-commissaire a porté plainte.
Et cela n’est pas sans rappeler les caricatures qui étaient publiées au moment des Événements de 1984 avec Jean-Marie Tjibaou en chimpanzé, mangeant une banane ou grimpant à un cocotier. On ne peut pas s’empêcher de penser que cela est une provocation de la part des non-indépendantistes à l’adresse des jeunes kanak en cette période anniversaire du 13 mai 2024. Ainsi, c’est une dernière manœuvre de ceux qui se sentent acculés puisque largement minoritaires en Nouvelle-Calédonie. On sait depuis les législatives de 2024 que les indépendantistes ont 10 000 voix de plus que les non-indépendantistes.

4/ Participation à des réunions publiques et autres initiatives

Mehdi Lallaoui et Isabelle Leblic participent régulièrement, au nom de l’AISDPK, à des réunions d’informations à Paris ou en Province (Bourges, Brest, Montpellier…) avec le MKF.

Nous participons aussi régulièrement aux réunions en ligne organisées par le MJK ou avec le CSPPK ou la cellule financière de la CCAT. Nos échanges se poursuivent régulièrement afin de mieux connaitre les besoins financiers pour les frais de défense.
Nous avons à ce titre participé avec le MKF à l’organisation de la marche de mémoire du 10 mai à Paris (https://blogs.mediapart.fr/614735/blog/240425/enfants-de-kanaky-souviens-toi-marche-pour-le-devoir-de-memoire).

Isabelle Leblic, en tant que coprésidente de l’AISDPK, y a pris la parole avant d’arriver Place de la Nation.

                           

Pour plus d’informations sur l’AISDPK : https://aisdpk.org/

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